BONSOIR MONSIEUR DARWIN

Jeune membre du Club 41, je vais boucler ma troisième année, je découvre avec un réel plaisir les écrits de Pierre, Érudit 41 de Blois et ses réflexions sur les états de notre Club. Je ne résiste pas, avec la permission de l'auteur, à reproduire ici son dernier article en date dont vous pourrez trouver l'original sur la tribune libre du site internet de la 3ème région (j'avais mis l'adresse dans un article il y a quelques semaines). Naturellement, les idées exprimées pas Pierre relèvent de sa propre responsabilité.

Un ancien Président National du Club 41 Français me disait récemment : Il y a des hauts et des bas et un club ne peut pas toujours être un exemple pour les autres. Mademoiselle Rostopchine, Comtesse par son mariage, comme celle qui descendait si bien les escaliers [1], disait aussi : « après la pluie le beau temps ».
Monsieur Charles Darwin [2] a expliqué que les espèces apparaissent, vivent et meurent, poussées par d’autres qui les remplacent mais de temps en temps il y a une catastrophe qu’on appelle extinction. Après chaque extinction, il y en aurait eu cinq, il y a un renouveau, la vie continue malgré ses cinq milliards d’années sur la planète bleue mais évidemment nous n’entendrons plus le battement sourd dans le crépuscule bavarois des ailes veloutées des ptérodactyles [3].
Aujourd’hui aux dires de la fille de Priam et de Hécube [4], à écouter l’homme aux rubans verts [5] à entendre les disciples de Saint Etienne [6] nous allons tout droit vers la sixième extinction et ce sont les hommes, vous et moi-même, qui en sont les géniteurs.
Il y a ceux qui croient qu’il y a sept mille ans l’homme est apparu tel quel poussé par une transcendance miraculeuse ; il y a ceux qui pensent qu’un destin intelligent dessine un avenir pour le genre humain, il y a encore les enfants de Darwin qui savent que ça ne va pas durer mais qui ne présument pas de l’avenir.
Après la pluie le beau temps, vice versa et « hary bourriquet » [7] Tout cela c’est la faute des hommes qui de plus en plus nombreux polluent la planète bien qu’on sache pertinemment que si les algues vertes apparues il y a près de six milliards d’années n’avaient pas, elles aussi, pollué avec leur dégagement d’oxygène, il n’y aurait qu’un semblant de vie et on n’aurait pas construit de cathédrales à la gloire de l’Incréé.
Après la pluie le beau temps, mais aussi les hauts et les bas. Il en est ainsi des activités humaines, de leurs institutions, elles naissent et prospèrent et elles dépérissent. Les plus vieilles maisons de commerce, la maison Bouddha, la maison Confucius et la maison Vatican ont dépassé les deux mille ans mais elles tremblent devant les avancées de la maison Mahomet. La maison Leclerc dépasse les 60 ans ; Carrefour et Auchan sont autour de 50 mais Mammouth n’a guère vécu que 27 ans, bien moins longtemps que le mammouth laineux qui a fréquenté la planète durant plus de soixante millions d’années. Un jour ou l’autre nous allons disparaître probablement dans moins d’un siècle chacun et notre espèce quand une autre la poussera. Quand ? ça c’est l’affaire des devins, augures, pythonisses, sibylles et autres charlatans et escrocs en tout genre.
Moi aussi je suis sur le déclin après plus de quarante ans passés au sein du « Quatalagor », je ne m’y retrouve plus.
On ne porte plus les insignes du pouvoir, on parle à l’assemblée, assis d’une voix atone, on laisse des quidams s’emparer du temps et de l’espace à raconter des balivernes les plus salaces, certains en rient grassement mais la consternation s’étend et les présences diminuent.
Un programme, des exposés, des trois minutes une réunion de région, un voyage collectif ici ou là ; des finances saines équilibrées et conformes à la règle : c’est quoi çà ? On tue le temps en attendant la mort du club, « Ou qu’un beau désespoir enfin le secourut » [8]
« Vraiment tu n’es pas tolérant » Le mot est lâché : Jean Rostand disait qu’ « il est dans la tolérance un degré qui confine à l’injure » et précédemment le « divin marquis » [9] prétendait que « la tolérance est la vertu des faibles ». Je n’irai pas jusque là mais je ne confonds pas le laxisme, le laisser-aller et la faiblesse avec la tolérance. J’ai écrit, j’ai exprimé tout cela. Pas de réponse, pas une communication téléphonique, pas un courriel… Sait-on lire ?
On m’a raconté une histoire : il se présente à « l’Espace Culturel » [10]. là où Landernau vend sa culture à prix cassé. « Je voudrais un livre ». « De quel auteur », un moment de réflexion… « Comme ça, vingt centimètres. » « Désolé, Monsieur, nous ne faisons pas cet auteur [11] ».
En septembre 2000 dans le N° 18 d’Amitié, à la page 18 j’exprimais déjà toute la réticence que j’ai pour ce mot et je rappelais que « la tolérance ça fait souffrir dans la limite du possible en attendant une solution meilleure ». J’oubliais, il y a aussi l’indifférence….
Et oui Monsieur Darwin mon club 41 évolue et je reste un dinosaure et un dinosaure qui s’ennuie ça peut être dangereux. Je vais donc aller prendre ma place au Musée, dans la Grande Galerie de l’Evolution [12] et je vais laisser les nouvelles espèces à leurs affaires.
Pierre de Nussac.
P.S. Certains on dit qu’il fallait un dictionnaire pour me lire. Afin de les dispenser de cet achat j’ai mis des notes de bas de page.

[1] Comtesse de Ségur : Sophie Rostopchine et Cécile Sorel
[2] (1809 - 1882) auteur du très controversé « De l’origine des espèces »
[3] Reptiles ptérosauriens du Jurassique supérieur. Ptérodactylus longirostris, trouvé dans les schistes lithographiques de Bavière et décrit par Cuvier.
[4] Priam est le dernier roi de Troie, il eut de son épouse Hécube plusieurs filles dont Cassandre qui prévit la ruine de Troie et les malheurs des citoyens de cette ville.
[5] Alceste (Le Misanthrope - Molière)
[6] « Allez les Verts »
[7] Rabelais livre 1 chapitre 2.
[8] Pierre Corneille : Le Cid.
[9] Donatien Alphonse François de Sade.
[10] Espace Culturel Leclerc
[11] Vincent Timètre !
[12] C’est juste en face de la Gare d’Austerlitz à Paris.